Je me prépare avec hâte. Je sors de ma hutte, l’air décidé, ma planche sous le coude. Je parcours la distance qui me sépare de l’eau au trot. Chacun de mes pas fait sursauter les grains de sable en harmonie. Arrivé au bord, je m’arrête. Net. Je fais face au grand bleu. Une étendue infinie. Elle me regarde, m’observe, me juge, impassible. Et moi, je la subit. Je commence alors à comprendre, après des instants d’inertie infinis, que je n’irai jamais à l’eau.
L’océan d’opportunités qui s’offre à nous est à la fois notre plus grande chance et une malédiction des plus tenaces.
L’indécision au cœur de nos vies.
Cet océan a fait de nous des êtres peu décidés. On a plus de motivation profonde, car tout est possible. On se met à l’eau uniquement pour suivre les courants et finir par les subir.
C’est tout de même incroyable que la plupart des gens ne “savent pas ce qu’ils veulent faire de leur vie”. J’en ai eu des phases comme ça. Ce qui finissait par m’oppresser, c’était la multitude de choix existants. Je n’ai jamais douté du fait que je pouvais réussir une chose si j’y mettais mon énergie. Je ne savais juste pas où la mettre.
Combien d’années humaines a-t-on perdu à faire des écoles de commerce ou du conseil en stratégie, car on ne savait pas quoi faire de notre temps ?
Et si la liberté c’était de ne pas avoir de choix ?
Je ne dis pas qu’il faut vivre dans une dictature et renoncer à tout ce que la société moderne nous offre. On est extrêmement chanceux. C’est un problème de riches. Mais un problème tout de même. L’état mental est chose fragile.
Ce que je veux dire c’est qu’il existe un vrai sentiment de liberté quand tu arrêtes de réfléchir et que tu suis un processus d'action. Un chemin. Un ensemble de tâches. Une passion. On a pas forcément tous une passion, mais on peut tous choisir de faire de vrais choix.
Le problème n’est pas l’existence de l’océan. Le problème, c’est qu’il n’était pas là avant et qu’on a pas encore réussi à s’adapter à son existence. Nos parents n’avaient pas tous ces choix. On n’a pas encore compris où et comment prendre la vague.
Si ce n’est pas ta voie, c’est celle des autres.
“L’ennemi de l’art est l’absence de limitations." - Orson Welles
Les mondes de l’art et de l’entrepreneuriat sont les incarnations de ce phénomène. Quand on tâtonne constamment et qu’on suit les idées des autres, on finit par faire des choses qui n’ont pas d’âme. On a juste pris la même vague. Seules celles et ceux ayant réussi à briser des acquis ont fait avancer des causes. Les Picasso, Einstein ou Jobs de ce monde doivent leur succès à leur obstination et contraintes. Pas des contraintes créatives, des contraintes en termes de processus. Un terrain de jeu bien défini.
Prenons Apple. Leur stratégie est fondée sur la contrainte : la taille d’un iPod qui doit rentrer dans une poche, de l’esthétique nécessaire sur une interface, de choix techniques de ports. Créer, c’est avant tout savoir dire non. Savoir dire non aux milles idées intéressantes et voies possibles. C’est choisir abruptement et s’engager.
Cette contrainte, il faut savoir la créer soi-même. Personne ne va la créer pour toi. Choisis un sujet et vas-y à fond. Fais le avec enthousiasme et intensité. Ne le parcours pas en surface sinon tu ne pourras jamais décider de l’importance qu’il a pour toi. Dès que tu commences à aimer, ne t'arrête plus. Constance. Sinon, passe au suivant.
Il est temps d’échanger nos intérêts pour des raisons d’être.
Accepte.
Le coronavirus n’est rien d’autre qu’une contrainte. Soit on décide de subir ou fuir cette contrainte. Soit on décide de l’accepter pour stimuler et renforcer notre être et notre compréhension de soi.
Il est temps d’aimer la contrainte.
De se focaliser sur l’essentiel.
Sur notre bonheur.
Nos proches.
Notre intérieur.
Tout va bien se passer :)
Mon poème du moment
Et si je te parlais
D’un monde de lumière
Où les astres s’élèvent
Sans nuit noire les encerclant ?
Où les masques s’écroulent
Sous l’éclat des paroles ?
Où les fresques d’antan
Retrouveraient leurs couleurs ?
Que dirais-tu de ce monde
Qui oublie qui nous sommes ?
Mes lectures du moment
Fooled by Randomness de Nassim Nicholas Taleb
Nous occultons naturellement la place prédominante qu’occupe le hasard dans nos vies et dans l’ordre du monde. Taleb remet les choses à leur place avec brio comme il a l’habitude de faire. Ça fait du bien d’enfin lire un livre qui est déjà - et sera encore pour longtemps - considéré comme un classique.
Building in defi sucks de Andre Cronje
J’ai commencé à m’intéresser à la DeFi (Decentralized Finance) ces derniers temps. Une chose m’a frappé d’entrée : la majorité des ces entreprises se construisent publiquement, les utilisateurs/investisseurs en nombre ont droit de vote sur toutes les décisions. Je trouve cela assez dérangeant, notamment comme potentiel frein à l’innovation (Vanilla Ice Cream Effect). La pression sur les créateurs, comme développé dans cet article, est un autre phénomène à observer de près.
In China’s New Age Communes, Burned-Out Millennials Go Back to Nature de Wang Xuandi
Le retour à la nature a, de prime abord, l’air d’être un thème propre aux pays occidentaux. C’est, en réalité, un questionnement universel dans le monde contemporain. On est perdus. Perdus dans nos écrans, entourés de nos immeubles, privés d’un rapport avec le vivant et le mystique qui est pourtant ancré dans notre être en tant qu’animaux.