Ô combien de fausses promesses, déclarations enflammées et tentatives désuètes ai-je proliféré ces 27 dernières années…
Après une journée entière passée devant des séries d’une profondeur scénaristique quasi-inexistante, entouré de paquets de malbouffe aux caractéristiques nutritives peu recommandées, la volonté de fer de changer me frappait. Je devais me discipliner. Cette fois, c’était la bonne. J’allais enfin changer. Un carnet de notes éparpillées à la main, je commençais avec enthousiasme une liste entraînante. À partir de demain, j’allais :
faire du sport trois fois par semaine
me lever à 6h pour méditer
cuisiner bio tous les soirs pour le déjeuner du lendemain
etc…
Sauf que, bien entendu, je ne m’y tenais pas.
J’ai lu les Miracle Mornings, les Atomic Habits. J’ai suivi les conseils des coachs, de Youtubeurs, d’inconnus sur Twitter qui avaient l’air de savoir ce dont ils parlaient. C’était devenu ma résolution habituelle du nouvel an : “Cette année, je vais me discipliner”.
En 2020, malgré un contexte pas forcément favorable, j’ai réussi. Sans vraiment réussir à la fois.
Sur le papier, ma routine actuelle peut paraître structurée.
Routine matinale : réveil à 7h, douche froide, pause thé de 15 minutes, écriture libre dans mon journal, et une pratique de 30 minutes au choix (méditation à la Naval pour calmer l’esprit, priming à la Tony Robbins pour faire le plein d’énergie ou respiration à la Wim Hof pour renforcer le corps).
Routine du soir : dîner avec ma fiancée sans regarder la télé, vaisselle, 10 minutes de musculation, 10 minutes d’étirements, écriture dans mon journal (gratitude, affirmation et poésie), et au moins 30 minutes de lecture.
Moi-même, je n’y crois pas trop.
Pourtant, je n’ai fait aucun effort pour mettre cela en place.
Les gouttes forment les océans.
Déjà, pourquoi changer ? Pourquoi rechercher cet ordre ?
Le besoin de discipline n’est rien d’autre que le résultat d'une confrontation avec nos contradictions. Je prends un McDo, alors que je me considère écolo. Je perds mon temps devant Netflix, alors que je veux monter des projets.
Cette inertie, ce confort - c’est un ennemi. Pour la simple et bonne raison qu’il ne reflète pas les valeurs profondes que l’on a. C’est le spectre du court-terme qui hante nos rêves long-termes.
Une seule chose à la fois, dictée par l’envie.
Chacune des actions que je mène au quotidien s’est naturellement ajoutée à une autre : c’est du “stacking” d’habitudes.
Les faire toutes en même temps me garantit de les faire, car si je commence la première action, j’enchaîne les suivantes mécaniquement.
J’ai commencé par les douches froides le matin. Je ne faisais que ça et rien d’autre. Pendant des mois. Pourquoi ? Tout simplement parce que j’en avais envie. J’ai essayé une fois, ça m’a plu, j’ai continué. Ça me vitalise et me fait combattre une peur tous les matins.
En lisant et en pratiquant, j’ai pensé à de nouvelles choses que j’ai ajoutées à ce “stack” de routines matinales.
Le soir, je devais faire des étirements pour des problèmes au genou. Je n’avais pas vraiment le choix. J’ai progressivement ajouté d’autres petites actions autour.
Tout changer du jour au lendemain est rare. Ça n’arrive que via des prises de consciences violentes et peu contrôlables.
Ne jamais forcer.
Nous ne sommes pas des machines.
Il n’y a pas de place pour la perfection dans la discipline.
Une bonne discipline n’est ni imposée, ni conflictuelle. Ce n’est que le résultat naturel d’une activité aimée. Faire le contraire, c’est s’auto-saboter. C’est créer un état de haine et de frustration perpétuelle.
Si tu n’arrives pas à faire quelque chose, c’est que tu ne le veux pas.
Un élément de ton habitude présente est plus fort que ce supposé désir de changement.
Quand on fait ce que l’on aime, on a hâte de le faire.
Le changement doit être simple, évident et plaisant.
Et ce n’est pas parce que tu commences une routine que tu dois t’y tenir tous les jours. Si un jour, tu rates le coche, c’est terminé ? Tu jettes l’habitude à l’eau ? Autant ne rien faire si c’est pour ne pas avoir une routine parfaite ? Qui a inventé cette règle de merde ?
Soyons clairs : c’est OK de ne pas te réveiller un matin car tu es fatigué. Écoute ton corps. Ta santé passe avant tes désirs de contrôle. Tu ne prends pas des habitudes pour te pourrir la vie, mais pour mieux en profiter au contraire. La volatilité est ton amie. Limite, plus tu vas rater de rendez-vous avec ta routine, plus tu vas la renforcer. C’est comme ça que tu vas construire une discipline qui n’est pas fragile.
Dans le temps.
Notre environnement moderne est fait de délais. On travaille pour un virement mensuel ou une promotion annuelle. Nos cerveaux, eux, ont évolué pour gratifier le plaisir immédiat. On trouve une baie sauvage, on est récompensé. Attacher un plaisir immédiat aux mini-actions qui composent un changement à délai est un moyen de se réconcilier avec notre évolution.
Il n’arrivera pas un jour sacré où tout tiendra parfaitement en place et à partir duquel la vie deviendra douce et simple. C’est un effort continu, une énergie à déployer constamment.
Vivre c’est être en mouvement. La stagnation, même dans un état de prétendue perfection, est une malédiction. Donc, tant que cet effort est plaisant, il n’y a aucune raison pour que tu t’arrêtes.
On sait que l’on peut changer. On ne sait juste pas quand ça s’arrêtera. C’est ça qui nous fait peur.
Mes lectures du moment
The Dream of Reason de Anthony Gottlieb
Vous avez sûrement remarqué : je parle de sujets à priori philosophiques dans Into the Wise. Je suis pourtant loin d’être un expert du sujet d’étude qu’est la philosophie. C’est pourquoi je suis extrêmement reconnaissant d’être tombé sur ce livre de Gottlieb. Il retrace l’histoire de la philosophie occidentale depuis les présocratiques jusqu’à la Renaissance. Et c’est incroyable. C’est incroyable de lire ce que l’humain a pu inventer au cours de son existence pour donner un sens à sa condition. Gottlieb a fait un monstrueux travail de recherche en revenant toujours un maximum aux sources, aux premiers écrits afin de ne pas entacher le livre d’interprétations. Ce qui lui donne une fraîcheur exquise.
How to stop hiccups de Rémi Guyot
Si vous n’êtes pas encore abonnés à la newsletter de Rémi, ne perdez plus une seconde. J’admire la manière dont il manie des sujets du quotidien (comme ici le hoquet) avec des thèmes à la fois philosophiques et entrepreneuriaux. Attendez vous à être surpris et émerveillés à la fois :)
Gardens: An essay on the human condition de Tulika Bahadur
Les jardins. On n’y pense quasiment plus. Ce n’est plus ni un sujet de préoccupation, ni d’art de vivre, ni d’expression. Pourtant, le jardin occupe une place profondément symbolique dans l’Histoire de l’humanité. Un bel article pour voir le monde à travers le prisme du jardin.
Particules d’intentions,
Marée noire ultime ancrant
L’envolée du printemps.