Il y a quelques mois, alors que j’étais encore en train de monter ma boîte, j’ai fais un burn-out. Heureusement, pas celui qui mène à l’hôpital, mais celui qui retire toute volonté. Celui qui prend une journée pour faire une tâche d’une heure. Celui qui te laisse vide sur ta chaise devant ton écran, complètement vide. Celui qui prend l’âme et qui te plonge dans une incapacité totale de travailler pendant quelques semaines.
Après cet événement, j’ai cherché des réponses. L’entrepreneuriat était toute ma vie. Pourquoi m’a-t-il plongé dans cet état ? Pourquoi je n’arrivais plus à travailler sur ce que j’aimais ?
Cette quête n’a pourtant pas remis en cause l’importance du travail, loin de là. Mais les subtilités à saisir autour de cette notion font la différence entre un travail sain et un travail pathologique.
La valeur-refuge
Voir la vie comme du travail continu (sur son métier, sur soi, sur sa relation), c’est ne plus voir le travail comme du travail. C’est se libérer du travail comme gagne-pain, obligation, contrainte sociale.
La seule chose qu’il faut garder à l’esprit quand on adopte ce point de vue est de constamment réexaminer la raison qui pousse à travailler. Elle doit être personnelle. Le travail doit être naturel. Si une tâche que d’autres considèrent comme du travail ne te demande aucun effort, c’est sûrement ce que tu dois faire. Plus tes goûts sont étranges, plus ils sont la preuve de ta prédestination à ce travail.
Avoir la bonne attitude est une compétence
Calme et audace.
1) Il n’y a pas de travail sans calme. La tâche la plus simple peut devenir un enfer pour un esprit agité, alors que l’objectif le plus ambitieux peut être atteint en douceur quand l’esprit est calme.
2) La bonne nouvelle de notre génération, c’est que demander la permission de travailler sur quoi que ce soit n’est plus nécessaire. Il ne faut plus être qualifié pour se lancer.
Commencement & constance
En chimie, l’énergie d’activation désigne l’énergie nécessaire pour déclencher une réaction chimique. Plus il faut d’énergie, plus il est dur d’amorcer la réaction. Il en est de même pour commencer à travailler. Ce besoin initial d’énergie peut être déstabilisant, mais c’est juste l’inertie de l’esprit.
Une manière de combattre une représentation écrasante est de fermer les yeux et d’imaginer la tâche comme une toute petite image. Un rien, auquel il suffit de s’atteler.
Dès que l’engin est en route, la constance fait la différence. Ce que tu sais ne compte pas. 0%. Seul l’acte compte. Tant que tu es constante, la qualité suivra.
Ne plus s’arrêter. Ne plus ralentir. Ne plus hésiter. Uniquement aller de l’avant.
L’exception réside dans les tâches forcées et insupportables. Quand le travail choisi ne te convient pas. Quand les raisons du travail sont mauvaises, et principalement sociales. Si la tâche demande trop d’efforts, rien ne sert de courir. Arrête-toi et résous ce conflit intérieur.
Pour ce qui est des tâches les plus répétitives, il est important de les savourer, de les honorer comme si elles étaient uniques. Car c’est le cas. La tâche de demain ou de “dans une minute” sera différente de ce que tu fais maintenant.
Input vs output
L’input, c’est ce que tu mets dans ton travail. L’output, c’est le résultat de tes actions.
Privilégie toujours l’output et non l’input.
Le nombre d’heures passées sur ta tâche ne va pas forcément t’aider. Trois lois soutiennent ce propos :
Loi des rendements décroissants
Quand tu mets de l’effort, cet effort paie dans le temps, mais uniquement jusqu’à un point d’inflexion à partir duquel l’effort ne paie plus, voire est contre-productif. Par exemple, si une athlète s’entraîne 3 heures par jour, elle va progresser. Mais si elle passe à 10h par jour, elle va juste se blesser et ne plus pouvoir s’entraîner pendant des semaines. Ses rendements deviennent décroissants.
D’où l’importance de savoir dire “non” et de se concentrer sur l’essentiel, sur ce qui crée vraiment de la valeur. Si tu es manager, il vaut mieux donner des responsabilités aux gens pour qu’ils évoluent et assument leurs tâches plutôt que de tout faire toi-même. À court-terme, certes, les rendements sont croissants. À long-terme, il est impossible d’assumer toutes les tâches seule. Il faut privilégier la vélocité (la vitesse nécessaire pour atteindre un but) plutôt que la vitesse.
L’effet de levier
Les pyramides ont été construites sur ce principe à un moment de l’Histoire où il était inconcevable de bâtir de tels édifices. C’est la puissance du levier : un tâche précise et focalisée peut produire des résultats gigantesques. La pratique doit être délibérée : se concentrer sur les éléments spécifiques qui font la différence et obtenir du feedback constant pour améliorer la performance. Il vaut mieux itérer 100 fois que travailler 100 heures. Le nombre d’heures n'a pas de valeur si tu arrives à trouver une manière de faire qui rend toutes les tâches que tu faisais auparavant obsolètes.
“Que l'on me donne six heures pour couper un arbre, j'en passerai quatre à affûter ma hache.” - Abraham Lincoln
Le principe du moindre effort
Les systèmes qui survivent et qui opèrent de manière stable optimisent leur efficience. Suivre le processus calmement est la voie : trouver la compétence qui nous est naturelle, trouver son secret et s’entraîner pour l’améliorer à coup d’itérations. Il n’y a pas de place pour du travail acharné là-dedans, uniquement pour de la constance. Faire une première fois tranquillement puis refaire, refaire et refaire encore.
Amateur vs professionnel
Faire ce que l’on aime, c’est pour les amateurs. Aimer ce que l’on fait, c’est pour les pros.
La plupart d’entre nous sont des amateurs. On cherche uniquement à faire ce que l’on aime sauf que ça ne veut pas dire que l’on devient bons. Car si l’amour est nécessaire comme énergie d’activation, elle n’est pas l’objet du travail. L’objet est et doit toujours rester l’output.
Commencer à devenir une pro, c’est déjà se rendre compte de ça et se dire que l’on est en dessous de la moyenne. Il est bien plus sain d’opérer en considérant que tout ce que l’on fait ou dit pourrait être complètement faux. L’humilité et la capacité à ne pas s’attacher à ses opinions et ses rendus est une marque de professionnalisme. On peut toujours faire 1000x mieux. Chacune d’entre nous.
L’amateurisme est un piège terrible. Celui des idées. On veut tellement faire quelque chose et le faire tellement bien qu’on essaie trop pour finir par ne rien faire du tout.
Contrôle la bête
Être sous l’eau, ce n’est pas un marqueur d’accomplissement. Ce n’est pas une bannière à endosser pour clamer la plénitude de sa vie. Ce n’est rien d’autre qu’un profond manque de respect vis-à-vis de soi-même et une incapacité totale à garder le contrôle sur sa vie.
Il n’y a rien d’admirable dans le fait de foncer tête baissée. C’est de la paresse sur le long-terme. Tu n’es pas une machine. Si tu commences à sentir que le travail devient trop pesant et qu’il n’est qu’une source d’anxiété, n’oublie pas que cette anxiété est auto-imposée. Pour ne jamais sombrer, coupe. Prends une pause mentale pendant la journée, la semaine, le mois.
Ton état intérieur est ce que tu as de plus précieux quel que soit l’ouput. T’oublier c’est laisser la porte ouverte au chaos. Parfois, travailler beaucoup est nécessaire, mais ça doit rester un sprint qui laisse ensuite place au repos. Le travail acharné est un outil, pas une fin en soi. Teste tes limites, comprends les et joue au bord des limites sans jamais les franchir.
Dernière chose, n’oublie pas de flâner, de ne rien faire.
Ça fait partie du travail :)
Mes lectures du moment
Je suis communiste de Park Kun-Woong
Ce manhwa (bande-dessinée coréenne) en deux volumes dépeint la vie de Hur Young-Chul, un communiste emprisonné en Corée du Sud, libéré dans les années 90 après 36 ans derrière les barreaux. Complètement perdu dans ce nouveau monde si étranger, il raconte son histoire depuis l’occupation japonaise jusqu’à la fin de la guerre de Corée.
Un rappel essentiel des horreurs du siècle passé, mais aussi de l’importance de la perspective. Comme le dit Young-Chul : “Ce qui compte ce sont les gens et non le système dans lequel ils vivent.”
On Commuting de Thomas J Bevan
Mon Dieu, qu’est ce qu’il est fort. De loin ma newsletter anglophone préférée. C’est un monstre. Thomas peint la vie avec des mots. La vraie. Un trajet en train. C’est tout le propos de cette édition.
Secrets about People: A Short and Dangerous Introduction to René Girard de Alex Danco
René Girard est une institution aux États-Unis, notamment dans la Silicon Valley, mais, bizarrement, on en parle peu en France. Je voulais comprendre sa thèse et je ne pouvais pas rêver mieux en tombant sur ce condensé. Elle tourne autour de la notion du désir mimétique a.k.a. “je veux ce que mon voisin a”. Plus on est proche de quelqu’un, plus on risque l’affrontement car on lutte pour les mêmes désirs. Pas la théorie la plus réjouissante, mais elle ouvre des vannes de réflexion.
Bonus : L’Histoire du Mont-Saint-Michel écrit de la plume de votre humble serviteur
Une marche solennelle
Vers l’image corrompue.
Calme plat sous les averses.
Un petit like pour si tu as aimé.
Un petit commentaire pour partager tes remarques, avis, et ressources.
Un petit partage pour atteindre le stade ultime de la reconnaissance.